Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, est passé. Et on a encore oublié de parler d'un type de non-droit généré par des personnes pourtant bienveillantes. Voici de quoi il s'agit.
Si des femmes veulent faire une simple main-courante après avoir été agressées dans la rue, elles en ont le droit et la main-courante sera prise. Prenons un autre cas, celui des femmes voulant déposer une main-courante, car elles souhaitent acter-formaliser une déclaration, celle de la situation dont elles souffrent dans leur couple et de la violence qu'elles disent subir de la part de "l'autre", homme ou femme. Pour d'autres, cela peut être le moyen de vérifier si elles sont bien victimes d'une agression, et d'une infraction. Certaines encore peuvent espérer obtenir ainsi une forme de soutien, de l'information car le premier des besoins, c'est souvent de pouvoir être écoutée. C'est aussi un droit. Pourtant, selon les directives de certain.e.s Procureur.e.s de la République, dans certains lieux en France, elles ne le peuvent plus. Elles doivent (obligation) déposer une plainte. Une circulaire nationale [1], confirmant un protocole-cadre de 2013 |2], incite à privilégier la plainte à la main-courante dans les situations de violence conjugale, sans pour autant énoncer une exclusion de la main-courante. Néanmoins, dans de nombreux lieux en France, c’est ainsi que la consigne passée par le ou la Procureure locale est exprimée ou traduite : obligation de plainte ou… rien. C'est même écrit noir sur blanc dans certains protocoles locaux [3].
Ainsi, si ces mêmes femmes se font agresser dans la rue, elles ont la possibilité de choisir entre déposer une simple main-courante ou une plainte. Mais la violence s’exerçant au sein du couple, on semble juger qu’elles ne sont plus des citoyennes capables de définir les actes qui correspondent à leur intérêt : elles sont amputées a priori d’une capacité à définir l’outil qu’elles veulent utiliser et leur intérêt. Ces femmes victimes majeures sont donc traitées comme des mineures par certaines et certains qui veulent pourtant les aider à retrouver leur pleine dignité...
Le paradoxe se renforce encore lorsque l'on mesure que ces « sauveurs et sauveuses » de femmes en danger ont décidé de créer un système qui produit… la disparition de certaines d’entre elles. Car, devant ce choix et la connaissance des effets que la plainte aura, certaines choisissent de faire demi-tour et de ne pas parler de ce qu’elles vivent. Elles ont probablement compris que là comme à la maison, ce ne sont pas elles qui choisissent... Certaines se soumettent cette règle, reviennent parfois en arrière ultérieurement (retrait de plainte) et d’autres se font silencieuses, disparaissant des "radars". Elles retournent donc dans une zone de repli et de risque léger à élevé de danger. Par contre, un homme peut déposer une simple main-courante pour les mêmes faits. On ne lui mettra pas la pression pour que ce soit une plainte et seulement une plainte. Limitation d'un droit pour elles et accentuation d'une inégalité homme/femme : nous sommes sur ces points loin de l'idée bienveillante de départ.
Je reviendrai dans mon prochain billet sur ce sujet, et l'histoire de cette non-alternative imposée pour les femmes victimes de violence dans leur couple.
[2] Préambule du protocole-cadre relatif au traitement des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire en matière de violences conjugales : "La doctrine d'emploi des mains courantes (...) est particulière en matière de violences au sein du couple. Ce mode de recueil de l'information doit demeurer une exception justifiée par la demande expresse de la victime et dans la mesure où aucun fait grave n'est révélé."
[3] Voir l'exemple du protocole signé dans les Vosges qui spécifie que " Le recours aux mains courantes doit désormais être exclu en matière de violences au sein du couple, afin que toute dénonciation de violence soit portée à la connaissance d'un magistrat du parquet et puisse donner lieu à une enquête." (page 2 - article 1)
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